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ainsi qu’on parvient à se frayer une issue jusqu’au cercle fortifié où siège la fortune, et où elle distribue ses faveurs. Ma persévérance me fit connaître, mon importunité me fit remarquer. On prit des renseignements sur mon compte ; les parents de mes anciens élèves se firent l’écho de leurs enfants, et répandirent que j’avais de la capacité ; le bruit qui en résulta courut à l’aventure, et de proche en proche finit par arriver jusqu’aux oreilles de certains personnages. Un matin que, ne sachant plus à qui m’adresser, à bout de force et d’imagination, j’étais assis tristement sur le bord de ma couchette, la fortune me salua comme une vieille connaissance, moi qui ne l’avais jamais vue, et me jeta sur les genoux le prix de mes efforts et de ma persévérance.

J’étais nommé professeur d’anglais au collège de Bruxelles, avec trois mille francs d’appointements, et de plus la certitude de gagner au moins une somme égale avec les leçons particulières que me vaudrait cette position. La lettre officielle qui m’en donnait avis m’informait en même temps que c’était à la vive recommandation de M. Vandenhuten que je devais d’avoir été choisi par l’Université.

Je courus aussitôt chez l’excellent homme qui m’avait si puissamment secondé ; je lui mis sous les yeux la lettre que je venais de recevoir, je lui pris les mains et je le remerciai avec toute la chaleur dont je me sentais capable. Mes paroles ardentes et mes gestes expressifs ébranlèrent M. Vandenhuten et lui firent éprouver une sensation inaccoutumée ; il me répondit qu’il était ravi d’avoir pu m’être utile, mais qu’il n’avait rien fait qui méritât de semblables remercîments ; qu’il n’avait pas déboursé une obole, et que toute la peine qu’il avait prise s’était bornée à jeter quelques lignes sur une feuille de papier.