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doute, apportée le matin même. « Le brave homme se sera trompé ; ce n’est pas pour moi, » pensai-je ; et me baissant pour voir le nom qui était écrit sur l’adresse, j’y lus ces mots :

« William Crimsworth, Esq., Bruxelles. »


J’étais fort intrigué ; toutefois, jugeant avec raison que le meilleur moyen de savoir le mot de l’énigme était de le demander à la caisse, je m’empressai de l’ouvrir. De la serge verte soigneusement cousue sur les bords enveloppait son contenu. Je coupai le fil avec mon canif, et j’aperçus de la dorure à travers les interstices que je pratiquais ; la serge une fois enlevée, je retirai de la caisse un tableau magnifiquement encadré ; je l’appuyai contre une chaise après l’avoir mis dans son jour, je fis quelques pas en arrière, et, mes lunettes sur le nez, je regardai longtemps la toile que j’avais sous les yeux. Sur un ciel de portraitiste (le plus sombre et le plus orageux de tous les ciels) rejoignant à l’horizon quelques arbres d’une teinte convenue, se détachait une figure de femme pâle et pensive, couronnée de cheveux bruns et soyeux qui se confondaient presque avec le ton des nuages ; de grands yeux fixaient sur les miens leur regard profond et réfléchi ; une joue amaigrie s’appuyait sur une petite main délicate ; un châle artistement drapé laissait entrevoir une taille souple et mince qu’il me voilait à demi. « Ma mère ! » murmurai-je enfin. Le son de ma voix me réveilla de mon extase ; je me rappelai qu’il n’y a que les fous qui se parlent à eux-mêmes, et je poursuivis mon monologue intérieurement. Je contemplais depuis longtemps l’intelligence, la douceur et la tristesse, hélas ! de ces beaux yeux, la puissance de ce front large et bien dessiné,