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caché sous les broderies de la surface. Malgré toute sa pénétration, Hunsden ne lisait ni dans ma tête ni dans mon cœur ; il ne devinait rien de mes affections et de mes antipathies ; il ne me connaissait pas assez pour savoir combien j’étais capable de subir certaines influences, d’autant plus puissantes sur mon âme qu’elles n’agissaient que sur moi seul, et combien à mon tour j’avais d’empire sur la plupart des esprits. Il ne soupçonnait pas la nature de mes relations avec Mlle Reuter ; tout le monde ignorait l’étrange folie dont la pauvre Zoraïde avait été possédée à mon égard ; je m’étais seul aperçu de ses mensonges et de ses ruses, et, s’ils ne m’avaient pas ému, ils m’avaient rassuré : je leur devais au moins la preuve que je pouvais impressionner une femme. Mais un secret plus doux reposait au fond de mon cœur, un secret d’amour qui faisait toute ma force et qui, en émoussant l’aiguillon des sarcasmes d’Hunsden, leur ôtait le pouvoir de m’humilier et d’exciter ma colère. Toutefois je n’en pouvais rien dire ; l’incertitude scellait mes lèvres, et je me résignai, quant à présent, aux fausses interprétations de mon interlocuteur. Il ne comprit pas mon silence, et pensa que je restais accablé sous le poids de ses paroles ; aussi chercha-t-il à me rassurer en disant que je changerais sans doute un jour, que c’était à peine si je commençais la vie, et qu’ayant par bonheur du sens et de la raison, chacun de mes faux pas me servirait d’enseignement.

Comme il achevait cette phrase, je me tournai du côté de la fenêtre ; la place que j’occupais et l’ombre qui commençait à se répandre l’avaient depuis quelque temps empêché d’étudier ma figure ; il y vit sans doute une expression dont il resta surpris, car il s’écria :

« Que le diable l’emporte ! Il est enchanté de sa personne ! Je le croyais sur le point de mourir de honte, et l’infatué coquin sourit dans sa barbe en ayant l’air de