Page:Brontë - Le Professeur.djvu/229

Cette page n’a pas encore été corrigée

exagération et sans charge ; pas un trait qu’on pût appeler bizarre ou marqué, mais un ensemble d’un effet unique et surtout indescriptible. N’étant pas pressé de m’entretenir avec lui, je le regardai longtemps sans rien dire.

« C’est ainsi que vous le prenez ? dit-il enfin ; à merveille, nous verrons lequel des deux s’en fatiguera le premier. »

Il tira de sa poche un élégant portefeuille, y choisit un cigare qu’il alluma, étendit la main, prit un livre sur la tablette voisine, appuya la tête au dossier du fauteuil, et se mit à fumer et à lire aussi tranquillement que s’il eût été dans sa chambre. Je le savais capable de conserver cette attitude jusqu’à minuit, si par hasard il en avait l’idée : je me levai donc, et lui retirant le livre des mains.

« Vous ne l’avez pas demandé, lui dis-je, vous ne le garderez pas.

— Ce n’est point une grande perte, répondit-il, un auteur assommant, vous faites bien de me le reprendre. » Le charme était rompu ; il continua : « Je croyais que vous demeuriez chez M. Pelet, poursuivit-il, j’y suis allé tantôt. On m’a répondu que vous étiez parti ce matin, mais que vous aviez laissé votre adresse ; c’est une précaution pleine de sens, dont je ne vous aurais pas cru capable. Pourquoi avez-vous quitté M. Pelet ?

— Parce qu’il vient d’épouser la femme qui, suivant M. Brown, devait être la mienne.

— En vérité ! répliqua Hunsden, avec un bref éclat de rire ; vous avez perdu à la fois votre place et votre épouse ?

— Mon Dieu, oui. »

Il jeta un regard furtif autour de ma chambre, en remarqua les étroites limites et le mobilier peu somptueux ; il comprit immédiatement l’état de mes affaires