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et saufs sur la rive. À franchement parler, j’avais eu peu de mérite ; je n’avais pas couru le moindre risque, et je ne fus pas même enrhumé des suites de mon plongeon ; mais quand M. et Mme Vandenhuten, dont Jean- Baptiste était la seule espérance, eurent appris mon exploit, ils furent persuadés que j’avais fait preuve d’un dévouement et d’un courage que nulle reconnaissance ne pourrait jamais récompenser ; madame, surtout, pensait « que je devais aimer bien tendrement leur fils, pour avoir sauvé ses jours au péril de ma vie. » Quant à monsieur, un brave homme, aussi honnête que flegmatique, il ne dit que très-peu de chose, mais il ne voulut pas me laisser partir sans que je lui eusse promis d’avoir recours à lui, si jamais il pouvait m’être utile, « afin qu’il pût s’acquitter envers moi de la dette que je lui avais imposée. » C’était sur ces paroles que je fondais mon espoir ; malheureusement elles ne me consolaient pas, et la froide lumière qu’elles introduisaient dans mes ténèbres ne ranimait pas mon courage. Je n’avais aucun droit aux bons offices de M. Vandenhuten ; quel mérite avais-je à faire valoir ? aucun. Tout ce que je pouvais dire, c’est que je me trouvais sans place, que j’avais besoin de travailler, que ma seule chance d’obtenir un emploi consistait dans sa recommandation. J’étais sûr qu’il me l’accorderait avec plaisir ; ne pas la lui demander, sous prétexte que cette démarche révoltait mon orgueil et se trouvait en contradiction avec mes habitudes, c’était obéir à une fausse délicatesse ; je pouvais le regretter toute ma vie, et je ne devais pas m’y exposer.

J’allai le soir même chez M. Vandenhuten ; mais c’est vainement que j’avais ajusté ma flèche : la seule corde que j’eusse à mon arc se brisait avant de m’avoir servi. Je sonnai à la porte de mon protecteur.

Il occupait une vaste et belle maison dans l’un des