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je l’emporte à votre barbe, en dépit de vos longues dents. N’ayez pas trop d’inquiétude néanmoins ; je n’ai jamais aimé les courtaudes, et Brown me dit qu’elle est petite et ramassée, tout ce qu’il faut pour un décharné tel que vous.

« Tenez-vous sur vos gardes ; vous ne savez ni le jour, ni l’heure ou votre… viendra. Je ne veux pas blasphémer, voilà pourquoi je laisse le mot en blanc.

« À vous de cœur,
« HUNSDEN YORKE HUNSDEN. »


Avant de poser cette lettre, je jetai un nouveau coup d’œil sur l’écriture fine et soignée qu’elle renfermait ; rien d’un négociant, d’un homme quelconque, excepté d’Hunsden lui-même. On parle de l’affinité qui existe entre l’écriture et le caractère de celui qui l’a tracée. Quelle ressemblance y a-t-il entre celle-ci et l’auteur de cette lettre ? « Beaucoup, » répondis-je en me souvenant de la figure particulière d’Hunsden, et en me rappelant certains traits de sa nature.

Il était donc en route pour la Belgique ; il arriverait au premier jour, et il s’attendait à me voir au comble de la prospérité, à la veille de me marier, de me glisser dans un nid confortable, à côté d’une petite femme joliette et bien nourrie.

« Que Dieu le bénisse ! pensai-je ; il va bien rire quand, au lieu d’un couple de tourtereaux grassouillets, roucoulant et se becquetant sous un berceau de rosiers, il trouvera un maigre cormoran sans compagne et sans abri, piteusement perché sur le roc stérile de la misère. Mais bah ! laissons-le rire ; fût-il le diable en personne, que je ne me dérangerais pas pour l’éviter et que je ne chercherais pas un mot qui m’épargnât ses railleries. »