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Possédez-vous autre chose que la friperie d’une éducation de collège, du grec, du latin et autres billevesées ?

— J’ai appris les mathématiques.

— Sottise !

— Je connais assez le français et l’allemand pour écrire dans ces deux langues.

— Pouvez-vous lire ceci ? » me demanda-t -il en me passant un papier qu’il avait pris dans un carton.

C’était une lettre de commerce en allemand ; je lui en fis la traduction ; mais je ne pus deviner s’il fut satisfait ou non, car son visage demeura impassible.

« Il est heureux que vous sachiez quelque chose qui puisse vous permettre de gagner votre vie, reprit-il après un instant de silence ; puisque vous connaissez le français et l’allemand, je vous prends en qualité de second commis pour traiter la correspondance étrangère ; la place est bien rétribuée : quatre-vingt-dix guinées par an, c’est très-beau pour commencer. Maintenant, poursuivit-il en élevant la voix, écoutez bien ce que je vais vous dire à propos de nos relations de famille et de toutes les blagues du même genre ; tenez-vous pour averti : je ne vous passerai rien sous prétexte que vous êtes mon frère ; si je vous trouve négligent, paresseux, dissipé ou stupide, ayant enfin quelque défaut qui soit nuisible aux intérêts de la maison, je vous congédie sans pitié, comme je le ferais d’un étranger ; quatre-vingt-dix guinées sont un fort beau traitement, et j’espère bien avoir en échange des services d’une valeur équivalente à la somme que je vous donne. Rappelez-vous que chez moi tout est rigoureux et positif : les habitudes, les sentiments et les idées ; m’avez-vous bien compris ?

— Vous voulez dire, je suppose, que je dois travailler pour gagner mon salaire, n’attendre aucune faveur de votre part et ne compter sur rien en dehors du trai-