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de la moindre faute pour user de ce privilège, car je pouvais la regarder alors sans craindre de la faire trop rougir.

« Assez, » lui dis-je quand elle eut achevé la sixième page. Il avait fallu au moins une heure pour en arriver là, car elle s’arrêtait souvent pour demander et pour recevoir de longues explications. « Assez ; il faut maintenant que je parte. »

Il ne pleuvait plus, le ciel était bleu, les nuages s’étaient dispersés, et le soleil couchant traversait la fenêtre d’un rayon de pourpre ayant l’éclat du rubis.

« Avez-vous trouvé quelque chose qui remplace la position que vous aviez chez Mlle Reuter ? lui demandai-je en me levant.

— Non, monsieur ; j’ai fait beaucoup de démarches ; partout on me demande où il faudrait aller pour avoir des renseignements, et je ne voudrais pas qu’on s’adressât à Mlle Reuter ; elle s’est mal conduite à mon égard ; elle a essayé plus d’une fois d’indisposer mes élèves contre moi ; elle m’a rendue très-malheureuse, pendant tout le temps que je suis restée chez elle, et m’a chassée avec une hypocrisie révoltante, prétendant qu’elle agissait dans mon propre intérêt, lorsqu’elle savait au contraire qu’elle m’arrachait mon principal moyen de subsistance, à une époque où non-seulement ma vie, mais encore celle d’une autre, dépendait de mon travail. Je ne lui demanderai certainement pas une faveur.

— Mais il faut vivre ! Que faites-vous actuellement ? quelles sont vos intentions ?

— J’ai toujours mon état de raccommodeuse de dentelle ; cela pourra me suffire en y mettant de l’économie : je ne doute pas d’ailleurs qu’en me donnant un peu de peine je ne finisse par trouver une occupation plus fructueuse. Il y a tout au plus quinze jours que