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pensée ; le reliquaire où je rêvais d’enfermer les trésors d’amour que j’avais amassés ; l’incarnation de la franchise et de l’honneur, du dévouement et de la conscience ; un idéal de grâce et de fierté, d’élévation et de modestie ; une source inépuisable de tendresse, un mélange de force et de douceur, d’expansion et de réserve ; tout ce qui peut donner la paix et la sécurité, consoler dans l’infortune, faire un sanctuaire du foyer domestique, garantir une vie honnête et ajouter au bonheur. Elle avait tout mon respect, toute ma confiance, et lorsque, prenant son bras pour le passer au mien, nous sortîmes du cimetière, je sentis qu’elle avait tout mon amour.

« Enfin, lui dis-je lorsque la grille funèbre se fut bruyamment fermée derrière nous, je vous ai donc retrouvée ! Que ce mois de recherches m’a paru long, et que je m’attendais peu à rencontrer ma brebis perdue au milieu des tombeaux !

— Vous vous êtes donné la peine de me chercher ? s’écria-t -elle, sans paraître surprise de la différence qu’il y avait entre mon langage d’à présent et celui qu’elle m’avait connu autrefois. Je ne pensais pas que mon absence pût vous préoccuper, mais je souffrais amèrement d’être séparée de vous ; j’en étais bien triste, alors même que des circonstances plus graves auraient dû me le faire oublier.

— Vous avez perdu votre tante ?

— Oui ; elle est morte il y a quinze jours, pleine de regrets que je n’ai pas pu adoucir : « Frances, m’a-t-elle dit jusqu’à sa dernière heure, tu seras bien seule quand je n’y serai plus ; sans parents, sans amis… » Elle regrettait la Suisse, où elle aurait voulu être enterrée ; et c’est moi qui, malgré son âge avancé, lui avais fait quitter les bords du lac de Genève pour venir dans cette contrée plate et humide. J’aurais été bien heureuse