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annonçaient la demeure destinée à tous les hommes ; j’étais dans le cimetière protestant qui est situé de l’autre côté de la porte de Louvain.

Le champ de mort était assez vaste pour qu’on pût s’y promener pendant une demi-heure sans fouler le même sentier ; il offrait des inscriptions nombreuses et variées aux amateurs d’épitaphes ; des hommes de toutes les nations et de toutes les races avaient déposé dans ce coin de terre les restes de leurs trépassés. On y voyait gravé dans toutes les langues, sur la pierre ou sur l’airain, le dernier tribut d’orgueil ou d’amour que le survivant paye à celui qui n’est plus. Ici l’Anglais avait érigé à sa Mary Smith ou à sa Jane Brown un monument où le nom seul de la défunte se lisait sur le marbre ; plus loin un mari français avait ombragé le tombeau de son épouse d’un massif de rosiers d’où s’élevait une tablette portant des vertus sans nombre de son Elmire ou de sa Célestine, un témoignage non moins brillant que les roses dont il était environné. Chaque nation avait à sa manière épanché sa douleur sur ces tombes ; mais combien cette douleur était muette ! Le bruit de mes pas étouffé par le sable me faisait tressaillir ; seul, il rompait le funèbre silence qui pesait sur ces lieux ; non-seulement les vents, mais encore la brise, paraissaient endormis aux quatre points de l’horizon ; pas un sanglot, pas un bruit de l’orient ou du nord, pas un murmure, pas un soupir de l’ouest ou du midi. Les nuages accumulés au ciel paraissaient immobiles ; pas un souffle n’agitait l’ombre des cyprès et des saules ; pas un frôlement d’ailes ne traversait la chaude atmosphère où languissaient les fleurs en attendant la pluie, et qui desséchait la terre où les morts gisaient insensibles au soleil comme à l’orage.

Importuné par le bruit de mes pas, je me détournai pour marcher sur la pelouse, et je me dirigeai vers un