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tions, que je m’arrêtais volontiers sur la force d’âme qui fait supporter la douleur ; vous me disiez que je m’étendais avec trop de complaisance sur ce thème et que j’y revenais trop souvent : mais il est plus facile d’écrire sur le courage que d’en avoir au moment où il devient nécessaire ; je me sens tout oppressée quand j’envisage le triste sort auquel je suis condamnée. Vous avez été bon pour moi, bien bon, monsieur ; je souffre et mon cœur se brise en vous disant adieu ; bientôt je serai seule au monde : mais il est inutile de vous attrister de mes malheurs, je n’ai aucun droit à votre sympathie.

« Adieu, monsieur.

« FRANCES ÉVANS HENRI. »


Je mis cette lettre dans mon portefeuille ; je glissai les quatre pièces de cinq francs dans ma bourse, et je parcourus ma petite chambre de long en large d’un pas assez rapide.

« Elle est pauvre, me disais-je ; cependant elle paye ses dettes, même plus qu’elle ne doit ; elle m’envoie le prix d’un trimestre et les trois mois ne sont pas encore échus. Je voudrais bien savoir de quoi elle s’est privée pour réunir ces vingt francs, comment elle est logée, quelle espèce de femme est sa tante. Pauvre Frances ! a-t-elle trouvé un emploi qui remplace celui qu’elle a perdu ? Il lui aura fallu courir de pension en pension, prendre des renseignements d’un côté, se présenter de l’autre, aller dans tel endroit pour y être désappointée. Que de fois elle sera rentrée chez elle, brisée de fatigue, sans avoir réussi ! Et cette demoiselle Reuter qui n’a pas voulu permettre qu’elle me fît ses adieux ! Ne pas avoir eu la chance de la voir pendant quelques minutes, d’échanger quelques phrases avec elle ! J’au-