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lui répondis-je d’un ton sec ; j’avais pris l’habitude de lui parler rudement ; je l’avais fait d’abord dans un moment de colère, puis j’avais continué en voyant que c’était le meilleur moyen de la dominer.

Elle baissa les yeux, soupira péniblement, et se tourna de mon côté avec un geste d’inquiétude et de malaise, comme si elle avait voulu faire naître dans mon esprit la pensée d’un oiseau qui se débat dans sa cage et qui voudrait fuir la prison pour retourner à son nid.

« Et votre leçon ? lui demandai-je.

— Ah ! dit-elle, en ayant-l’air de revenir à elle-même, vous êtes si jeune, si téméraire et si franc ; vous possédez tant de connaissances ; vous supportez si impatiemment la sottise, vous avez tant de dédain pour la vulgarité, qu’une leçon vous est bien nécessaire ! Sachez donc, monsieur, que, pour faire son chemin dans le monde, la force ne vaut pas l’adresse ; mais peut-être le savez-vous mieux que moi : car il y a dans votre nature autant de délicatesse que de puissance, de pénétration que de fierté.

— Poursuivez, » répondis-je en retenant à peine un sourire : la flatterie était si piquante, si finement présentée !

Elle saisit au vol ce sourire involontaire, bien que j’eusse passé la main sur mes lèvres pour le lui dissimuler, et elle insista de nouveau pour me faire asseoir auprès d’elle. Je fis un feigne négatif, en dépit de la tentation qui s’emparait de mes sens, et je la priai de continuer.

« Eh bien, reprit-elle, si un jour vous êtes à la tête d’un grand établissement, ne renvoyez jamais personne. À vrai dire, monsieur (je veux être franche avec vous), je méprise les gens qui font des scènes, qui grondent sans cesse, qui envoient l’un à gauche, l’autre à droite, et qui, toujours pressants et pressés, font un ouragan du moindre vent qui passe. Vous dirai-je,