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à la tête de cet établissement, ni professeur ni sous-maîtresse n’en a été renvoyé.

— Plus d’un, cependant, vous a quittée, mademoiselle.

— Certes, il est même nécessaire d’en changer fréquemment ; l’intérêt du pensionnat l’exige ; cela introduit de la variété dans les études ; les élèves s’en amusent, et cela prouve aux parents tout l’intérêt qu’on apporte aux progrès de leurs enfants.

— Ne disiez-vous pas tout à l’heure que vous n’aviez jamais renvoyé ni maîtres ni maîtresses ?

— Il n’est pas besoin d’avoir recours à cette mesure extrême ; asseyons-nous, monsieur, que je vous donne une leçon qui pourra vous servir dans votre métier d’instituteur. »

Elle prit une chaise et m’en désigna une qui se trouvait auprès d’elle ; mais je posai seulement le genou sur le siège qu’elle m’offrait, et j’appuyai ma tête et mon bras contre la branche d’un cytise, dont les rameaux chargés de fleurs, et mêlés au feuillage des ljlas, formaient, au-dessus de l’endroit où nous étions, un berceau ombreux pailleté d’or. Mlle Reuter resta un instant sans parler ; son front astucieux révélait quelques-unes des pensées qui s’agitaient dans son cerveau ; il était évident qu’elle méditait un chef-d’œuvre de diplomatie. Convaincue par plusieurs mois d’expérience que l’affectation des vertus qu’elle ne possédait pas était sans empire sur mon âme ; sachant bien que j’avais pénétré sa véritable nature et que je ne pouvais plus être dupe de son hypocrisie, elle se déterminait à changer de système à mon égard, et voulait voir si mon cœur céderait à sa franchise. Elle leva donc sur moi ses yeux bleus, d’un éclat tempéré, et me demanda, en plaisantant, si je craignais de m’asseoir à côté d’elle.

« Je n’ai pas envie d’usurper la place de M. Pelet, »