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quelques papillotes un peu ébouriffées. » Elle secoua les grappes épaisses qui encadraient ses joues, passa les doigts dans ses boucles soyeuses et ajouta avec vivacité : « Rosalie, j’étais venue pour vous dire d’aller tout de suite fermer les fenêtres du petit salon ; il fait beaucoup de vent, et les rideaux seraient couverts de poussière. »

Rosalie s’empressa d’obéir. « Mlle Reuter, pensai-je, croit m’avoir donné le change ; elle suppose qu’elle est parvenue à me faire croire qu’elle n’écoute pas aux portes ; mais la mousseline dont elle parle n’est pas plus transparente que le prétexte dont elle vient de se servir. » J’éprouvais le désir de déchirer le voile peu épais dont elle couvrait son imposture. « Il faut être chaussé grossièrement, quand on veut marcher d’un pas ferme sur un terrain difficile, » dis-je en moi-même ; et sans autre préambule, j’abordai le sujet qui me tenait tant au cœur.

« Mlle Henri a quitté votre établissement, lui dis-je ; je présume que vous l’avez congédiée ?

— Ah ! je suis bien aise que vous m’en parliez, monsieur ; je désirais précisément en causer avec vous, répondit la maîtresse de pension, de l’air le plus affable et le plus naturel du monde ; mais ici nous serions dérangés ; voudriez-vous, monsieur, venir une minute dans le jardin ? »

Elle passa devant moi et franchit la porte vitrée qui conduisait au parterre.

« Ici, dit-elle quand nous fûmes au bout de l’allée du milieu, dont les arbres, maintenant dans tout l’orgueil de leur parure d’été, nous cachaient la maison et donnaient un air de solitude à ce petit coin de terre, situé au centre même d’une capitale ; ici on est tranquille ; on se sent plus libre quand il n’y a autour de soi que des poiriers et des roses. Je suis persuadée, monsieur, que vous éprouvez, comme moi, une grande