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encore et en me faisant signe de poser mon chapeau que j’avais saisi avec empressement.

« Je suis à votre service, mademoiselle, lui répondis-je.

— C’est une excellente méthode, reprit-elle, que d’encourager les efforts des élèves, en mettant en évidence les progrès de celles qui réussissent, le mieux dans leurs études ; mais ne pensez-vous pas, monsieur, que, dans la circonstance, il est injuste de faire concourir Mlle Henri avec les jeunes filles de cette classe ? Elle est plus âgée que la plupart d’entre elles, et a eu l’avantage d’entendre parler anglais dès sa naissance ; d’un autre côté, elle est d’une position inférieure à celle que nos élèves occupent dans le monde, et la distinction qui lui est accordée publiquement peut leur suggérer des comparaisons fâcheuses et exciter en elles des sentiments peu bienveillants pour la personne qui en serait l’objet. Le véritable intérêt que je porte à Mlle Henri me fait désirer de lui éviter certaines piqûres dont elle souffrirait plus qu’une autre ; d’ailleurs, monsieur, je crois vous l’avoir dit, elle a des tendances marquées à l’amour-propre : les éloges publics ne peuvent que développer ce sentiment, qu’on doit réprimer chez elle ; l’ambition, du moins tel est mon avis, n’est pas à sa place chez une femme, l’ambition littéraire surtout. Il vaudrait beaucoup mieux, pour le bonheur de Mlle Henri et pour sa tranquillité, lui apprendre à s’acquitter humblement des devoirs de son état, que d’éveiller dans son âme le désir des applaudissements et de la célébrité ; sans fortune, appartenant à une famille obscure, d’une santé peu rassurante (sa mère est morte de la poitrine et je la crois atteinte de la même maladie), il est plus que probable qu’elle ne se mariera pas ; mais, tout en restant dans le célibat, il vaut mieux qu’elle conserve les habitudes et le caractère d’une femme honnête et réservée.