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tience triomphaient des obstacles. Elle rappelait les désastres qui avaient chassé l’émigrant de son pays ; elle faisait entendre la voix de l’honneur, exprimait le sentiment d’une indépendance que rien n’avait pu éteindre, et montrait le respect de soi-même survivant à l’infortune ; enfin la sensibilité la plus exquise éclatait dans chaque phrase où le souvenir du passé, le chagrin du départ, les regrets de l’absence, se mêlaient aux consolations qu’une foi vive inspirait à l’émigrant.

Ce devoir, largement conçu, était écrit dans un langage simple et chaste, avec une vigueur qui n’excluait pas la grâce et l’harmonie du style. Pendant tout le temps que dura cette lecture, Mlle Reuter, qui savait assez d’anglais pour comprendre ce que je lisais devant elle, s’occupa tranquillement de la rivière qu’elle faisait autour d’un mouchoir de batiste ; elle ne dit pas un mot, et son visage, couvert d’un masque impassible, resta muet comme ses lèvres ; il n’exprima ni intérêt ni surprise ; l’ennui ou le dédain ne s’y révéla pas davantage.

« C’est trop peu de chose pour m’émouvoir, ce n’est pas digne de fixer mon attention, » disait tout simplement cette figure impénétrable.

Dès que j’eus terminé ma lecture, un murmure d’approbation s’éleva de tous les points de la classe ; plusieurs élèves entourèrent Mlle Henri et commençaient à lui faire leurs compliments, lorsque la voix calme de la maîtresse de pension fit entendre ces paroles :

« Que celles d’entre vous, mesdemoiselles, qui ont un parapluie et un manteau se dépêchent de partir, avant qu’il pleuve davantage (il tombait quelques gouttes d’eau), les autres attendront qu’on soit venu les chercher. » Et les élèves se dispersèrent, car il était quatre heures. « Un mot, s’il vous plaît, monsieur, » ajouta Mlle Reuter en montant sur l’estrade où je me trouvais