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Elle s’arrêta, non pas cette fois pour chercher ses paroles, mais évidemment par simple discrétion.

« Finissez votre phrase, lui dis-je d’un ton pressant.

— Eh bien donc, j’ai besoin de me retrouver au milieu de protestants ; ils sont plus honnêtes que les catholiques. Dans cette maison, les murailles vous voient et vous entendent, les plafonds et les planchers sont creux, les corridors ont de sourds échos dont celui qui parle ne se doute pas, et qui vibrent à l’oreille de celui qui écoute ; et, comme elle, ceux qui l’habitent ne sont que perfidie et trahison. Pour eux, le mensonge est légitime, et ils appellent politesse la fausse amitié qu’ils vous témoignent et dont ils couvrent la haine que vous leur inspirez.

— Vous parlez des élèves, répondis-je, d’enfants sans expérience qui n’ont pas encore appris à distinguer ce qui est bien de ce qui est mal.

— Au contraire, monsieur, les enfants sont toute sincérité ; ils n’ont pas encore eu le temps d’apprendre la dissimulation ; ils mentent parfois, mais sans aucun artifice, et chacun voit lorsqu’ils font un mensonge, tandis que les grandes personnes trompent tout le monde, et le font à bon escient.

— Mademoiselle Henri, dit une servante qui entra dans la classe, Mlle Reuter vous prie de vouloir bien reconduire la petite de Dorlodot qu’on n’est pas venu chercher ; elle vous attend dans le cabinet de la portière et vous prie de vous hâter.

— Est-ce que je suis la bonne de cette petite ? » demanda Mlle Henri. Un sourire amer et plein d’ironie, que j’avais déjà vu sur ses lèvres, compléta sa pensée. Toutefois elle se leva précipitamment et sortit aussitôt.