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mes manières, elle ne s’étonna pas de cette question à brûle-pourpoint, et n’hésita dans sa réponse que par la difficulté qu’elle éprouvait à s’exprimer dans une langue qui n’était pas la sienne.

« D’après ce que j’ai lu et ce que j’ai entendu dire, répondit-elle, l’Angleterre est quelque chose d’unique. L’idée que j’en ai conçue est vague, et j’éprouve le besoin de la rendre plus claire et plus nette, en allant voir par mes yeux cette contrée que je désirerais connaître.

— Hum ! Supposez-vous qu’il suffise de mettre le pied dans un pays pour en avoir une idée claire et nette ? L’intérieur d’une pension ou d’une famille sera tout ce que vous connaîtrez de la Grande-Bretagne, si vous y allez comme sous-maîtresse ou comme institutrice.

— Ce sera toujours une pension ou une famille anglaise.

— Indubitablement ; mais à quoi bon ? Quelle sera la valeur de vos observations faites sur une aussi petite échelle ?

— Ne peut-on pas juger du reste par analogie ? un échantillon suffit souvent pour donner une idée juste de la totalité. D’ailleurs les mots petit et grand n’ont qu’un sens relatif ; ma vie serait probablement fort peu de chose à vos yeux, et celle de la taupe qui vit sous terre me paraît à mon tour excessivement bornée.

— Où voulez-vous en venir ?

— Mais vous comprenez bien.

— Pas le moins du monde ; ayez la bonté de vous expliquer.

— Je vais essayer, monsieur. En Suisse, je n’ai presque rien fait, presque rien vu et rien appris ; je tournais chaque jour dans un cercle étroit dont je ne pouvais sortir ; j’y serais restée jusqu’à ma dernière heure, sans avoir pu l’élargir, parce que je suis pauvre et peu industrieuse. Lorsque je fus lasse de cette vie