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bien difficile de rien comprendre à ce qu’elles appelaient leurs narrations ; celles de Sylvie et de Léonie pouvaient seules passer pour être intelligibles ; quant à la belle Eulalie, elle s’était procuré un abrégé de l’Histoire d’Angleterre et avait copié mot à mot l’anecdote en question. Je me contentai d’écrire en marge : « Stupide et fausse, » et je déchirai la page.

Mais sous la pile de récits plus ou moins saugrenus qui étaient placés devant moi et qui n’avaient pas plus d’une feuille chacun, se trouvait un petit cahier, soigneusement cousu, dont l’écriture me dispensa de chercher le nom qu’il portait.

C’était chez moi, et presque toujours dans la soirée, que je corrigeais les devoirs de ces demoiselles, besogne très-ennuyeuse et qui jusqu’alors m’avait infiniment coûté ; il me parut donc fort bizarre de sentir poindre dans mon esprit un certain intérêt lorsque je mouchai la chandelle, au moment de parcourir le manuscrit de Frances.

« Je vais enfin, pensai-je, avoir un aperçu de la couleur de son style, et me faire une idée plus ou moins juste de son intelligence. Non pas qu’elle ait dû se révéler complètement dans une langue qui lui est étrangère ; mais je verrai toujours bien si elle ne manque pas d’esprit. »

Elle avait commencé par décrire la cabane d’un paysan saxon, située sur la lisière d’une forêt immense et dépouillée de ses feuilles ; venait ensuite la peinture d’une triste soirée de décembre ; la neige tombait à gros flocons, et le vieux pâtre, prévoyant l’ouragan, réclamait l’aide de sa femme, pour aller rassembler son troupeau dispersé sur les rives de la Thone. La bonne vieille refusait d’abord de quitter les gâteaux qu’elle faisait cuire pour le souper, puis elle finissait par reconnaître la nécessité de mettre le bétail à couvert ;