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fice de ses désirs lorsqu’elle le croyait juste, elle se trouvait désarmée en face des penchants d’autrui, et ne savait pas lutter avec les habitudes et les défauts des autres, surtout avec ceux des enfants qui n’entendent pas raison et qui refusent de se laisser persuader.

La conscience se réveillait alors ; elle forçait la volonté récalcitrante à s’acquitter de son devoir, et c’était par une dépense d’énergie incalculable que le pénible labeur finissait par s’accomplir.

Pour arriver à leur donner ses leçons, Frances travaillait auprès de ses élèves comme un pauvre manœuvre ; et celles-ci, d’autant plus insubordonnées qu’elles sentaient leur pouvoir, lui infligeaient, en la forçant d’user de rigueur, une souffrance dont personne ne devinait l’étendue. Il est dans la nature humaine d’aimer à se servir de sa puissance, et les enfants, plus encore que les hommes, se font un plaisir d’exercer l’influence qu’ils possèdent, alors même que la douleur en est le seul résultat. L’élève, dont le corps est parfois plus robuste et dont les nerfs sont moins sensibles que ceux du professeur, a sur son maître un immense avantage ; soyez certain qu’il en usera sans pitié, parce que l’être qui est jeune, vigoureux et insouciant, ne partage pas la souffrance qu’il voit subir et n’épargne personne.

Frances n’était donc pas heureuse ; un poids continuel oppressait sa poitrine et paraissait avoir étouffé sa gaieté. J’ignore si elle conservait chez elle cet air soucieux et profondément triste, qui ne la quittait jamais chez Mlle Reuter.

J’avais donné un jour, comme sujet d’amplification, le trait si connu d’Alfred surveillant les gâteaux dans la cabane du pâtre. La plupart de ces demoiselles ne s’étaient préoccupées que d’une chose : s’acquitter de leur devoir le plus brièvement possible ; et il eût été