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seizième, quand une voix mélodieuse prononça correctement quelques lignes de l’histoire d’Angleterre.

Je relevai la tête avec surprise : c’était bien la voix d’une enfant d’Albion ; l’accent était pur, argentin ; s’il avait eu un peu plus d’assurance, on l’aurait pris pour celui d’une jeune fille bien élevée du comté, de Middlesex : et pourtant c’était ma nouvelle élève qui prononçait ainsi, la jeune maîtresse d’ouvrage à l’aiguille, dont la figure n’annonçait pas qu’elle crût avoir fait quelque chose d’extraordinaire ; personne d’ailleurs ne témoignait d’étonnement. Mlle Reuter tricotait toujours avec assiduité ; néanmoins, lorsque le paragraphe fut achevé, elle m’honora d’un regard furtif ; sans apprécier complètement l’excellente manière dont lisait Mlle Henri, elle s’était bien aperçue qu’il y avait une énorme différence entre son accent et celui des autres élèves, et elle désirait savoir quelle était l’impression que j’avais pu en ressentir ; mais, cachant ma pensée derrière un masque d’une profonde indifférence, j’ordonnai à l’élève suivante de continuer le passage qui avait été commencé.

Néanmoins, lorsque la leçon fut terminée, je profitai de la confusion qui en résultait pour m’approcher de Mlle Henri ; elle était près de la fenêtre, et, ne se doutant pas que je voulais lui parler, elle se recula, supposant que je m’avançais pour regarder quelque chose au dehors ; je pris son livre d’exercices qu’elle tenait à la main, et lui adressant la parole :

« Vous aviez déjà eu des leçons d’anglais ? lui demandai-je.

— Non, monsieur.

— Vous avez été en Angleterre ?

— Jamais, répondit-elle avec animation.

— Il faut au moins que vous ayez vécu dans une famille anglaise ? »