Page:Brontë - Le Professeur.djvu/139

Cette page n’a pas encore été corrigée

élégante et distinguée. Le professeur, fatigué, souvent même irrité par les occupations du jour, est insensible au bel air, aux grâces de toute espèce, et glorifie dans son cœur certaines qualités moins brillantes, mais aussi plus solides ; le désir de s’instruire, l’intelligence, la docilité, la franchise, la gratitude, sont les charmes qu’il aspire à trouver et qu’hélas ! il rencontre rarement ; le hasard les lui fait-il découvrir, il se passionne pour eux et voudrait les conserver toujours ; puis l’heure de la séparation arrive, et une main cruelle lui arrache la seule brebis qu’il possédait.

Une fois la chose établie, mes lecteurs conviendront avec moi qu’il n’y avait rien de bien méritoire dans ma vertu, ni de merveilleux dans ma réserve et mon austérité.

J’ouvris ma leçon par la lecture des places obtenues dans la composition qu’on avait faite le jour précédent. Comme à l’ordinaire, en tête de la liste figurait le nom de Sylvie, de cette jeune fille qui était à la fois la plus laide et la meilleure élève de la pension. La seconde place était tombée à une certaine Léonie Ledru ; petite créature sèche et maigre, au teint parcheminé, ayant l’esprit vif, le cœur dur et la conscience fragile, et qui serait devenue, si elle avait été d’un autre sexe, le modèle du procureur habile et surtout sans principes. Venait ensuite Eulalie, cette fière beauté, la Junon du pensionnat, que six années d’études forcées avaient, en dépit de la paresse et de la lourdeur de son intelligence, familiarisée machinalement avec les principales règles de la grammaire anglaise. Sylvie ne témoigna aucune satisfaction lorsqu’elle m’entendit annoncer qu’elle occupait la première place ; son visage monacal n’eut pas le moindre sourire, et il ne laissa pas même soupçonner qu’elle eût entendu mes paroles. J’éprouvais toujours une impression douloureuse de la passivité de