Page:Brontë - Le Professeur.djvu/138

Cette page n’a pas encore été corrigée

veux bouclés, et les fleurs placées auprès de son visage augmentant encore l’éclat de son teint. Ce n’est pas lui qui marche lentement à côté d’elle en écoutant son doux babil, qui porte son ombrelle, qui conduit par un ruban son épagneul de Bleinhem ou sa levrette italienne : c’est dans une salle d’étude enfumée qu’elle se montre à ses regards ; mal habillée, en face de livres salis et déchirés qu’elle ouvre avec répugnance et dont il vous faut graver le contenu dans son esprit ; elle résiste, on la contraint, elle boude et fait la moue, on la gronde, elle fronce les sourcils et se défigure, son geste perd sa grâce ; et trop souvent la vulgarité des expressions qu’elle murmure, profane ses lèvres et fait perdre à sa voix la douceur qu’on voudrait lui trouver. Si elle joint à un caractère paisible une intelligence bornée, elle oppose, à toute la peine que vous prenez pour l’instruire, une nonchalance dont rien ne peut triompher ; si elle est spirituelle, mais sans énergie, elle emploie mille moyens pour échapper à la nécessité d’apprendre et se fait un jeu de la ruse et de la dissimulation pour tromper vos efforts : bref, il en est, pour le professeur, de la jeunesse et des charmes de ses élèves, comme d’une tapisserie dont il verrait continuellement l’envers ; fût-il parfois à même de regarder la surface brillante dont chacun admire les détails, il connaît trop bien les nœuds, les points démesurés, les tortillons, les bouts de laine emmêlés qui se trouvent par derrière, pour être séduit par l’éclat et la pureté de lignes qu’on expose à la vue de tous.

En général, nos goûts se modifient d’après la position que nous occupons en ce monde : l’artiste préfère un pays accidenté, parce qu’il est pittoresque ; l’ingénieur un pays de plaine, parce qu’il convient mieux à ses travaux ; l’homme de plaisir recherche ce qu’on appelle une jolie femme ; et l’homme du monde une lady