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mérite, et je vous serai reconnaissante de ne pas exposer son ignorance devant les élèves, qui, en définitive, sont également les siennes. Monsieur Crimsworth sera-t-il assez bon pour accueillir ma demande ? »

Je fis un signe affirmatif ; elle continua d’une voix pressante :

« Pardonnez-moi, monsieur, si j’ose ajouter que cette recommandation est de la dernière importance pour cette pauvre Mlle Henri. Elle a déjà tant de peine à se faire obéir de ses élèves, que sa position chez moi deviendrait intolérable, si par hasard les jeunes filles qu’elle est appelée à diriger sous un certain rapport se doutaient de son incapacité ; et je regretterais beaucoup pour elle, qui en a si grand besoin, de lui voir perdre le bénéfice qu’elle peut tirer de son emploi dans ma maison. »

Mlle Reuter possédait naturellement beaucoup de tact ; mais, sans la franchise, cette qualité précieuse manque souvent le but qu’elle se propose d’atteindre : plus Mlle Zoraïde réclamait mon indulgence en faveur de la maîtresse d’ouvrage à l’aiguille, plus je comprenais que son intention était bien moins de venir en aide à Mlle Henri que de m’inspirer une haute opinion d’elle-même et de me faire croire à son excessive bonté, à son extrême délicatesse. Ayant donc répondu à ses remarques par un nouveau signe de tête, je lui coupai la parole en demandant les compositions d’un ton bref et en quittant ma place pour recueillir les devoirs que je devais emporter.

« Vous êtes venue bien tard, dis-je à Mlle Henri lorsque je passai derrière elle ; tâchez une autre fois d’avoir plus d’exactitude. »

Je ne sais pas quel effet ces paroles produisirent sur ma nouvelle élève ; mais il est probable que je ne les lui aurais pas dites, si j’avais pu la voir en face. Toujours