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veau la proie qui venait de lui échapper. Un léger incident lui donna l’occasion de m’adresser la parole.

Au milieu du silence, ou plutôt du froissement des cahiers et du bruit des plumes qui couraient sur le papier, la porte s’ouvrit, et une élève, qui me parut toute tremblante, probablement de ce qu’elle arrivait si tard, fit une courte révérence et alla s’asseoir devant un pupitre inoccupé qui se trouvait à l’extrémité de la classe ; une fois assise elle ouvrit son cabas et en tira ses livres, toujours avec un air de précipitation et d’embarras ; je ne l’avais pas reconnue tout d’abord, et j’attendais qu’elle relevât la tête pour savoir qui elle était, lorsque Mlle Reuter quitta sa chaise et s’approchant de l’estrade :

« Monsieur Crimsworth, me dit-elle à voix basse, la jeune personne qui vient d’entrer désire apprendre l’anglais ; ce n’est pas une de nos pensionnaires ; on peut même lui donner la qualité de maîtresse, car c’est elle qui montre aux élèves à travailler à l’aiguille ; elle voudrait, avec raison, acquérir l’instruction nécessaire pour se livrer plus tard à un enseignement d’un ordre supérieur, et m’a priée de lui permettre d’assister à vos leçons ; je ne demande pas mieux que de l’aider de tout mon pouvoir à atteindre un but aussi honorable ; et j’espère, monsieur, que vous consentirez à l’admettre parmi vos élèves. »

Mlle Reuter, en disant ces paroles, m’adressa un regard à la fois naïf et suppliant.

« Certainement, répondis-je d’un ton bref.

— Un mot encore, reprit-elle avec douceur. Mlle Henri n’a pas reçu une éducation régulière ; peut-être n’a-t-elle pas énormément d’intelligence ; mais elle a d’excellentes intentions et le caractère le plus aimable qu’on puisse rencontrer ; je ne doute pas, monsieur, que vous n’ayez pour elle toute la considération qu’elle