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server Mlle Reuter. Ses yeux étaient fixés sur la bourse, qui avançait rapidement ; tout en ayant l’air tranquille, on devinait qu’elle se tenait sur ses gardes ; son attitude indiquait un mélange bien rare de repos et de vigilance, et je me sentais, en la regardant, forcé d’admirer malgré moi son caractère à la fois doux et fort et le merveilleux empire qu’elle avait sur elle-même.

Elle savait que je lui avais retiré mon estime ; elle avait vu dans mon regard une froideur méprisante, et pour elle, qui convoitait l’approbation de tous ceux qui la connaissaient, et qui aurait voulu que le monde entier eût bonne opinion d’elle, la blessure que lui avait faite cette découverte devait lui causer une vive douleur ; elle en avait pâli : et cependant avec quelle rapidité elle était parvenue à dissimuler son trouble ! comme elle était digne dans ses manières, calme et naturelle dans son repos, assise à deux pas de moi, la bouche sérieuse, mais sans affectation, le front incliné, mais sans honte et sans faiblesse !

« Le métal est pur, me disais-je en la regardant toujours. Combien je l’aurais aimée, si elle avait eu la flamme qui eût communiqué la chaleur à cette enveloppe d’acier ! »

Elle sentait que je l’examinais avec attention, car elle ne faisait pas un mouvement, ne remuait pas même les paupières ; ses yeux ne quittèrent la bourse de filet que pour regarder le coussin où reposait son petit pied ; ils suivirent les plis moelleux de sa robe de mérinos violet, s’arrêtèrent sur sa main, dont l’index portait une bague de grenat, et qui, blanche comme l’ivoire, s’attachait finement à un poignet d’une extrême délicatesse et qu’entourait une manchette de dentelle ; puis elle tourna la tête par un mouvement imperceptible, qui fit onduler gracieusement les boucles de sa chevelure : il était facile de voir qu’elle cherchait à leurrer de nou-