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je suis bien assuré qu’il est entaché de défauts qui révoltent ma conscience, je romps avec lui et pour toujours ; c’est ainsi que j’avais fait avec Édouard. Quant au chef d’institution, l’expérience que j’avais acquise était encore bien récente. Devais-je briser avec lui ? C’est la question que je m’adressais en tournant mon café avec la moitié de mon petit pain, car nous n’avions pas de cuillers. M. Pelet était assis en face de moi : son pâle visage avait sa finesse habituelle, mais on y voyait quelque chose de plus sombre qu’à l’ordinaire ; et son regard, qui se fixait avec sévérité sur les élèves et sur les maîtres d’étude, reprenait sa douceur lorsqu’il se tournait de mon côté.

« Les circonstances me guideront, » pensai-je ; et, rencontrant le sourire gracieux du principal, je me félicitai d’avoir ouvert ma fenêtre la nuit précédente et d’avoir pu, à la clarté de la lune, découvrir les sentiments cachés sous cette figure trompeuse. Maintenant que sa fourberie m’était connue, je le dominais, de toute la hauteur où me plaçait cette triste découverte. Derrière son sourire, j’entrevoyais son âme, et ses paroles flatteuses ne voilaient plus pour moi la perfidie de sa pensée.

Mais Zoraïde Reuter m’avait-elle si profondément blessé qu’il n’y eût pas à ma souffrance de guérison possible ? Non ; le premier accès de fièvre passé, la raison vint à mon aide. Elle me prouva d’abord que la perte que j’avais faite méritait peu de regrets : elle admettait que l’extérieur de Zoraïde aurait bien pu me convenir ; mais elle affirmait qu’il n’y avait aucune harmonie entre son âme et la mienne et que la discorde aurait bientôt éclaté dans le ménage. D’après elle, je devais non-seulement étouffer mon chagrin, mais encore me réjouir d’avoir échappé au piège que l’on m’avait tendu. Elle fit si bien que je pus, même le