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Il sortit de la bibliothèque, et je le suivis en me demandant comment pouvait être sa femme. « Est-elle aussi étrangère, me disais-je, que Tynedale, Seacombe et ses filles, à tout ce que j’aimerais à rencontrer chez les autres ? me sera-t-elle aussi antipathique que son très-cher mari, ou pourrai-je en causant avec elle me sentir à l’aise et montrer quelque chose de ma véritable nature ? » Je fus arrêté au milieu de ces réflexions par notre arrivée dans la salle à manger.

Une lampe, couverte d’un abat-jour, éclairait une pièce élégante, lambrissée de bois de chêne ; le souper était servi, et près du feu se trouvait une jeune femme qui se leva en nous voyant entrer. Elle était grande et bien faite, mise avec élégance et à la dernière mode ; elle échangea un salut joyeux avec M. Crimsworth, et prenant un air mi-boudeur, mi-souriant, elle le gronda de ce qu’il s’était fait attendre. Sa voix (je prends toujours note du son de voix lorsque je veux juger quelqu’un) était vive et animée ; je crus y voir une preuve de force et d’entrain physique, si l’on peut dire. Un baiser de son mari étouffa immédiatement les reproches qui découlaient de ses lèvres : un baiser qui parlait encore d’amour, car il n’y avait pas un an qu’elle était la femme de M. Crimsworth. Elle se mit à table dans les meilleures dispositions du monde ; elle m’aperçut alors, me demanda pardon de ne pas m’avoir remarqué plus tôt, et me donna une poignée de main comme les femmes savent le faire quand un excès de bonne humeur les dispose à montrer de la bienveillance même aux plus indifférents. Maintenant que nous étions près de la lampe, il m’était facile de voir qu’elle avait une belle peau, les traits agréables, bien qu’un peu forts, et les cheveux rouges, mais franchement rouges.

Elle poursuivait avec son mari la querelle badine