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sombre était sans nuage ; un clair de lune splendide faisait pâlir la lumière tremblante des étoiles ; sous mes yeux s’étendait une masse de verdure parsemée de rayons argentés, au milieu d’une ombre épaisse et d’où s’exhalait le parfum des fleurs tout humides de rosée ; pas une feuille qui bougeât, pas un souffle dans l’air. Ma fenêtre ouvrait directement au-dessus d’une allée qu’on appelait l’Allée défendue, parce qu’il n’était pas permis aux élèves de s’y promener, à cause de sa proximité de notre maison ; c’était l’endroit le plus couvert du jardin, celui où les lilas et les cytises avaient le plus d’épaisseur et où je m’étais assis dans la journée avec Mlle Reuter ; je n’ai pas besoin de dire que ma pensée était auprès d’elle, tandis que mes yeux erraient dans les allées du jardin où nous nous étions promenés ensemble. La façade de la maison déployait ses longues rangées de fenêtres au delà des bosquets et du parterre ; ma vue s’y arrêta ; je me demandai dans quelle partie du bâtiment pouvait être sa chambre ; la clarté d’une lampe qui brillait à travers les persiennes d’une croisée attira bientôt mon attention.

« Elle veille encore ! pensai-je ; il est cependant bien près de minuit. Quelle séduisante personne ! poursuivis-je en moi-même. Quel doux souvenir elle vous laisse dans la mémoire ! Ce n’est pas qu’elle soit précisément jolie ; non ; mais peu importe, il y a dans son ensemble une harmonie qui me plaît ; j’aime ses cheveux bruns, ses yeux bleus, son frais visage, son cou si blanc ; j’admire sa capacité réelle ; l’idée qu’on peut épouser une de ces beautés poupines et niaises que l’on rencontre dans le monde m’a toujours fait horreur. Cela va encore pendant la lune de miel ; mais la passion éteinte, quelle affreuse chose que de trouver sur son cœur un squelette de bois recouvert de cire ; que de serrer dans ses bras une idiote et de se rappeler qu’on l’a faite son