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des voisins, je donnai le bras à Mlle Reuter et je la conduisis vers un banc que j’apercevais niché au milieu des lilas ; elle voulut bien s’asseoir et je me plaçai à côté d’elle ; nous causions ; du moins elle me parlait avec cet abandon qui établit une communication directe entre les deux pensées, et, tandis que je l’écoutais, je ne sais quelle lumière se fit dans mon esprit et me révéla soudain que je devenais amoureux. La cloche annonça le dîner à la fois chez M. Pelet et chez Mlle Reuter ; j’étais forcé de partir ; je la retins au moment où elle allait s’éloigner :

« J’ai bien envie de quelque chose, lui dis-je.

— De quoi ? demanda-t-elle naïvement.

— D’une fleur.

— Prenez-en dix, quinze ou vingt, si vous voulez.

— Non ; une me suffira ; pourvu que ce soit vous qui l’ayez cueillie et vous qui me la donniez.

— Quel caprice ! » répondit-elle. Mais se dressant sur la pointe des pieds, elle cueillit une belle branche de lilas, qu’elle m’offrit avec grâce ; je pris la fleur et m’éloignai satisfait du présent, et rempli d’espoir pour l’avenir.

À cette journée pleine de charme succéda une nuit tiède et sereine comme une belle nuit d’été. Je me rappelle qu’ayant à corriger beaucoup de devoirs, l’heure était fort avancée lorsque j’eus fini mon travail ; j’étais fatigué ; il faisait chaud dans ma chambre, et, voulant respirer, j’ouvris la fenêtre qui donnait sur le jardin de ces demoiselles. J’avais fini par obtenir de Mme Pelet qu’on fît enlever les planches qui obstruaient cette fenêtre, puisque donnant des leçons chez Mlle Reuter, il n’y avait pas plus d’inconvénient à ce que je visse mes élèves pendant la récréation que pendant les heures d’étude. Je m’appuyai sur la pierre et je me penchai au dehors ; au-dessus de ma tête, le ciel transparent et