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diculisées par leurs compagnes, elles éloignaient l’insulte par une froide politesse et répondaient à la haine par un silence dédaigneux ; elles semblaient fuir la société des autres et vivaient seules au milieu d’une foule nombreuse.

Trois sous-maîtresses dirigeaient cette multitude composée d’éléments si divers ; trois Françaises : Mlles Pélagie, Suzette et Zéphyrine. Les deux premières ne sortaient pas du commun des martyrs : leur physionomie, leur éducation, leur intelligence, leurs pensées, leurs sentiments, tout en elles était ordinaire ; j’aurais à écrire un chapitre sur leurs personnes que je ne pourrais pas en dire davantage. Zéphyrine avait un extérieur et des manières plus distingués que Suzette et Pélagie ; mais c’était au fond une franche coquette Parisienne, perfide, mercenaire et sans cœur. Je voyais quelquefois une quatrième maîtresse qui venait tous les jours donner des leçons d’ouvrage à l’aiguille, de tricot, de broderie, etc. ; je ne l’apercevais qu’en passant, lorsque je traversais le carré où elle était assise, entourée d’une douzaine de métiers et d’élèves. Je n’avais donc pas l’occasion d’étudier son caractère, ni même d’observer sa personne ; je remarquais seulement qu’elle avait l’air bien jeune et sans doute peu d’énergie, car ses élèves me paraissaient en révolte perpétuelle ; du reste elle ne demeurait pas dans la maison, et s’appelait, je crois, Mlle Henri.

Au milieu de cet assemblage de créatures vulgaires, insignifiantes, mal tournées et stupides, vicieuses et répulsives (plus d’un aurait appliqué cette dernière épithète aux deux ou trois Anglaises solitaires, roides, mal habillées et modestes, dont j’ai parlé tout à l’heure), la fine institutrice brillait comme une étoile au-dessus d’un marécage couvert de feux follets ; profondément convaincue de sa supériorité, elle puisait dans cette