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l’étreinte d’une main fraternelle, se fermait d’elle-même pour réprimer les tressaillements que lui causait l’impatience.

Je pensais à mes oncles ; et, tandis que je me demandais si l’indifférence d’Édouard égalerait la froideur dédaigneuse qu’ils m’avaient toujours témoignée, j’entendis ouvrir la grille et une voiture s’approcher du perron ; un instant après, quelques paroles s’échangèrent entre le domestique et la personne qui venait d’entrer ; quelqu’un se dirigea vers la bibliothèque où je me trouvais : le bruit de ses pas annonçait clairement que c’était le maître de la maison.

J’avais gardé un vague souvenir de mon frère tel que je l’avais vu dix ans auparavant : c’était alors un grand jeune homme sec et anguleux, sans tournure et sans grâce ; je me trouvais maintenant en face d’un homme puissant et beau, d’une taille admirable, d’une force athlétique, ayant le teint clair et le visage régulier. Un caractère violent et impérieux se révélait dans ses moindres mouvements aussi bien que dans son regard et dans l’ensemble de ses traits. Il m’accueillit d’un ton bref, et, tout en me donnant la main, il m’examina des pieds jusqu’à la tête.

« Je pensais que vous viendriez à mon comptoir, » me dit-il en s’asseyant dans le fauteuil de maroquin rouge, et en me désignant un autre siège.

Il avait la voix sèche et parlait avec l’accent guttural du Nord, qui sonnait durement à mes oreilles accoutumées aux sons argentins du Midi.

« C’est le maître de l’auberge où descend la voiture qui m’a envoyé ici, répondis-je ; j’ai cru d’abord qu’il se trompait, ne sachant pas que vous habitiez la campagne.

— Peu importe, reprit-il ; seulement je vous ai attendu ; et je suis en retard d’une demi-heure, voilà