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de mon frère. En avançant dans l’avenue, j’entrevis, aux dernières lueurs du crépuscule et à travers le brouillard qui rendait l’ombre plus épaisse, une vaste maison entourée de jardins suffisamment spacieux ; je m’arrêtai un instant sur la pelouse qui se déployait devant la façade, et, m’appuyant contre un arbre, je regardai avec intérêt l’extérieur de Crimsworth-Hall. « Il faut qu’Édouard ait déjà de la fortune, dis-je en moi-même ; je savais bien qu’il faisait de bonnes affaires, mais je ne me doutais pas qu’il possédât une maison aussi importante. » Et sans plus de réflexions, je me dirigeai vers la porte, à laquelle je sonnai. Un domestique vint m’ouvrir ; je déclinai mon nom, il me débarrassa de mon manteau, qui était mouillé, de mon sac de nuit, et me fit entrer dans une bibliothèque où étaient allumées plusieurs bougies et où brillait un bon feu. « M. Crimsworth, me dit-il, n’est pas encore revenu, c’est aujourd’hui le marché ; mais il sera de retour avant une demi-heure. »

Livré à moi-même, je m’installai dans le fauteuil couvert de maroquin rouge qui se trouvait au coin du feu ; et, tout en regardant la flamme jaillir du charbon rayonnant et le fraisil tomber par intervalles sur la pierre du foyer, je pensai à l’entrevue qui allait bientôt avoir lieu. Parmi les doutes qui s’élevaient dans mon esprit au sujet de la réception que me ferait Édouard, il y avait au moins une chose certaine, c’est que je n’éprouverais aucun désenchantement ; j’attendais trop peu de chose pour être désappointé. Je ne comptais sur aucun témoignage de tendresse fraternelle ; les lettres qu’Édouard m’avait toujours écrites me préservaient de toute illusion à cet égard, et cependant je me sentais saisi d’une émotion que chaque minute rendait plus vive. À quoi donc aspirais-je aussi ardemment ? je n’aurais pu le dire ; ma main, si complètement étrangère à