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— Oui, et si un serment est nécessaire pour vous satisfaire, eh bien, je le jure !

— Alors, monsieur, je vous épouserai.

— Appelez-moi Édouard, ma petite femme.

— Cher Édouard !

— Venez à moi ; venez tout entière à moi, » dit-il ; puis il ajouta tout bas, me parlant à l’oreille, pendant que sa joue touchait la mienne : « Faites mon bonheur, et je ferai le vôtre. Dieu me pardonne, ajouta-t-il au bout de peu de temps, et que les hommes ne viennent pas se mêler de tout ceci ; je l’ai et je la garderai.

— Les hommes n’auront pas besoin de s’en mêler, monsieur ; je n’ai pas de parents qui puissent s’opposer à vos projets.

— Et c’est ce qu’il y a de mieux, » dit-il.

Si je l’avais moins aimé, j’aurais remarqué dans son regard et dans sa voix une sauvage exaltation. Mais, assise près de lui, sortie de ce douloureux rêve de la séparation, appelée à une heureuse union, je ne pouvais penser qu’au bonheur qui venait de m’être si libéralement donné ; bien des fois il me demanda : « Êtes-vous heureuse, Jane ? » et bien des fois je lui répondis : « Oui ; » puis il murmurait tout bas :

« Oui, nous nous aimerons. Je l’ai trouvée sans ami, sans joie et le cœur glacé ; je la garderai près de moi pour la caresser et la consoler ; n’y a-t-il pas de l’amour dans mon cœur et de la constance dans mes résolutions ? Et cela seul pourra racheter tout le reste devant le tribunal de Dieu. Je sais que mon Créateur m’approuve ; peu m’importent les jugements du monde ; quant à l’opinion des hommes, je la défie ! »

La nuit venait de tomber ; la lune n’était pas encore levée, et nous étions tous deux dans l’obscurité ; quelque près que je fusse de mon maître, j’avais peine à voir son visage ; le vent murmurait dans l’allée des lauriers, sifflait entre les branches du marronnier et envoyait son souffle jusqu’à nous.

« Il faut rentrer, me dit M. Rochester, le temps va changer ; je serais resté avec toi jusqu’au matin, Jane.

— Moi aussi, » pensai-je ; et je l’aurais peut-être dit, si un éclair ne fût venu déchirer la portion du ciel que je regardais ; l’éclair fut suivi d’un craquement et d’un violent coup de tonnerre qui me sembla avoir éclaté tout près de nous. Je ne songeais qu’à cacher mes yeux éblouis contre l’épaule de M. Rochester ; la pluie tombait à flots ; nous traversâmes rapidement l’allée, les champs, et nous entrâmes dans la maison ; mais, lorsque nous atteignîmes le perron, l’eau ruisselait sur nos vêtements. M. Rochester me retirait mon châle et secouait l’eau qui coulait de