des préparatifs pour son mariage, et qu’il avait parlé d’acheter une voiture neuve. Elle ajoutait que ce mariage avec Mlle Ingram lui paraissait toujours bien étrange ; mais que, d’après ce qu’elle entendait dire et ce qu’elle voyait elle-même, elle ne pouvait plus douter que la cérémonie ne dût être prochaine.
« Ce serait bien de l’incrédulité que de ne pas croire encore, me disais-je tout bas ; non, je suis persuadée maintenant. »
Et alors je me demandais où j’irais ; je rêvai à Mlle Ingram toute la nuit ; dans un de mes rêves, je la vis me fermer les portes de Thornfield et me montrer la grande route ; M. Rochester la regardait les bras croisés, et promenait sur nous deux son sourire sardonique.
Je n’avais pas écrit à Mme Fairfax le jour de mon arrivée, parce que je ne désirais pas qu’on envoyât une voiture pour moi à Millcote ; j’avais l’intention de faire tranquillement ce petit trajet, et, après avoir laissé ma malle aux soins de l’hôtelier, je quittai l’auberge de George à six heures du soir, et je pris le chemin qui conduisait à Thornfield. La route se faisait en partie au milieu des champs et était peu fréquentée.
C’était par une soirée d’été douce et belle, mais non pas brillante et splendide. Les faucheurs travaillaient encore, et le ciel, bien que chargé de quelques nuages, promettait un beau temps ; le bleu du ciel était doux et pur dans les endroits où il se laissait voir ; les nuages étaient légers et hauts ; l’occident, d’une teinte chaude, n’était traversé par aucune lueur humide ; on eût dit un foyer allumé, un autel embrasé derrière ces vapeurs marbrées, et, à travers les fentes, on apercevait des rayons d’un rouge doré.
Je me sentais heureuse de voir le chemin s’abréger devant moi, si heureuse que je m’arrêtai pour me demander ce que signifiait cette joie, et pour me répéter que je ne retournais pas chez moi, ni dans un endroit où je dusse toujours rester, ni dans un lieu où je serais attendue par d’affectueux amis. « Mme Fairfax, me disais-je, me souhaitera tranquillement la bienvenue, la petite Adèle battra des mains et sautera de joie en me voyant ; mais je pense à un autre qui ne pense pas à moi. » Cependant rien n’est plus entêté que la jeunesse, plus aveugle que l’inexpérience, et toutes deux affirmaient qu’avoir le privilège de regarder M. Rochester, quand même il ne ferait pas attention à moi, c’était déjà un bonheur assez grand ; puis elles ajoutaient : « Dépêchez-vous, dépêchez-vous ; tâchez d’être avec lui pendant que vous le pouvez ; encore quelques jours, ou tout au plus quelques semaines, et vous serez séparée de lui pour jamais ! » Alors