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Elle pouvait bien faire cette question ; car la figure de Saint-John était aussi blanche que la robe de la jeune fille.

« Très bien, » répondit-il, et, après s’être incliné, il s’éloigna.

Elle prit un chemin, lui un autre ; deux fois elle se retourna pour le regarder, et, légère comme une fée, continua sa route à travers les champs. Quant à lui, il marchait avec fermeté et ne se retourna pas.

Ce spectacle de la souffrance et du sacrifice d’un autre éloigna mes pensées de mes douleurs personnelles. Diana Rivers avait déclaré que son frère était inexorable comme la mort ; elle n’avait pas exagéré.




CHAPITRE XXXII.


Je continuai à m’occuper de mon école avec autant d’activité et de zèle que possible. Dans le commencement, ce fut une tâche rude ; malgré tous mes efforts, il me fallut quelque temps avant de pouvoir comprendre la nature de mes écolières. En les voyant si incultes et si engourdies, je croyais qu’il n’y avait plus rien à espérer, pas plus chez les unes que chez les autres ; mais bientôt je vis que je m’étais trompée : il y avait des différences entre elles, comme entre les enfants bien élevés, et, quand nous nous connûmes réciproquement, la différence se développa avec rapidité. Lorsque l’étonnement que leur causaient mon langage et mes manières eut cessé, je m’aperçus que quelques-unes étaient lourdes, endormies, grossières et agressives. Beaucoup, au contraire, se montraient obligeantes et aimables, et je découvris parmi elles d’assez nombreux exemples de politesse naturelle, de dignité et d’excellentes dispositions, qui me remplirent de bonne volonté et d’admiration. Bientôt elles prirent plaisir à bien faire leurs devoirs, à se tenir propres, à apprendre régulièrement leurs leçons, à acquérir des manières calmes et convenables. La rapidité de leurs progrès fut en quelque sorte surprenante, et j’en ressentis un orgueil légitime et heureux ; d’ailleurs je m’étais déjà attachée aux meilleures de mes élèves, et elles aussi m’aimaient. Parmi mes écolières, j’avais quelques filles de ferme, qui étaient déjà presque des jeunes filles. Elles savaient lire, écrire et coudre. Je leur apprenais les éléments de la grammaire, de la géographie, de l’histoire, et les travaux de couture