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— Pas du tout ; Anna fait du bruit autour de vous, et vous couvre de farine.

— Et puis le feu est trop chaud pour vous, ajouta Marie.

— Certainement, reprit Diana ; venez, il faut obéir. »

Et, me tenant toujours la main, elle me fit lever et me conduisit dans une chambre intérieure.

« Asseyez-vous là, me dit-elle, en me plaçant sur le sofa, pendant que nous nous déshabillerons et que nous préparerons le thé ; car c’est encore un de nos privilèges dans notre petite maison des montagnes, nous préparons nous-mêmes nos repas quand nous y sommes disposées, et qu’Anna est occupée à pétrir, à cuire, à laver ou à repasser. »

Elle ferma la porte et me laissa seule avec M. Saint-John, qui était assis en face de moi, un livre ou un journal à la main. J’examinai d’abord le salon, ensuite celui qui l’occupait.

Le salon était une petite pièce simplement meublée, mais propre et confortable. Les chaises, de forme antique, étaient brillantes à force d’avoir été frottées, et la table de noyer eût pu servir de miroir. Quelques vieux portraits d’hommes et de femmes décoraient le papier fané du mur ; un buffet vitré renfermait des livres et un ancien service de porcelaine. Il n’y avait aucun ornement inutile dans la chambre ; pas un meuble moderne, excepté pourtant deux boîtes à ouvrage et un pupitre en bois de rose, placés sur une table de côté. Tout enfin, y compris le tapis et les rideaux, était à la fois vieux et bien conservé.

M. Saint-John, aussi immobile que les tableaux suspendus au mur, les yeux fixés sur son livre et les lèvres complètement fermées, était facile à examiner, et même l’examen n’aurait pas été plus aisé si, au lieu d’être un homme, il eût été une statue. Il pouvait avoir de vingt-huit à trente ans ; il était grand et élancé ; son visage attirait le regard. Il avait une figure grecque, des lignes très pures, un nez droit et classique, une bouche et un menton athéniens. Il est rare qu’une tête anglaise s’approche autant des modèles antiques. Il avait bien pu être un peu choqué de l’irrégularité de mes traits, les siens étaient si harmonieux ! Ses grands yeux bleus étaient voilés par des cils noirs ; quelques mèches de cheveux blonds tombaient négligemment sur son front élevé et pâle comme l’ivoire.

Quels traits charmants ! direz-vous. Et pourtant, en regardant M. Saint-John, il ne me vint pas une seule fois à l’idée qu’il dût avoir une nature charmante, souple, sensitive, ni même douce. Bien qu’il fût immobile en ce moment, il y avait