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petite fille dissimulée ; et que pouvais-je faire pour effacer cette injustice ?

« Rien, rien, » pensai-je en moi-même. Je m’efforçai de réprimer un sanglot et j’essuyai rapidement quelques larmes, preuves trop évidentes de mon angoisse.

« Le mensonge est un triste défaut chez un enfant, dit M. Brockelhurst, et celui qui aura trompé pendant sa vie trouvera la punition de ses fautes dans un gouffre de flammes et de soufre ; mais elle sera surveillée ; je parlerai d’elle à Mlle Temple et aux institutrices.

— Je voudrais, continua Mme Reed, que son éducation fût en rapport avec sa position, qu’on la rendît utile et humble. Quant aux vacances, je vous demanderai la permission de les lui laisser passer à Lowood.

— Vos projets sont pleins de sagesse, madame, reprit M. Brockelhurst ; l’humilité est une vertu chrétienne, et elle est nécessaire surtout aux élèves de Lowood. Je demande sans cesse qu’on apporte un soin tout particulier à la leur inspirer. J’ai longtemps cherché les meilleurs moyens de mortifier en elles le sentiment mondain de l’orgueil, et l’autre jour j’ai eu une preuve de mon succès. Ma seconde fille est allée avec sa mère visiter l’école, et à son retour elle s’est écriée : « Ô mon père ! combien tous ces enfants de Lowood semblent tranquilles et simples, avec leurs cheveux relevés derrière l’oreille, leurs longs tabliers, leurs petites poches cousues à l’extérieur de leurs robes ! Elles sont vêtues presque comme les enfants des pauvres ; et, ajouta-t-elle, elles regardaient ma robe et celle de maman comme si elles n’eussent jamais vu de soie. »

— Voilà une discipline que j’approuve entièrement, continua Mme Reed ; j’aurais cherché dans toute l’Angleterre que je n’eusse rien trouvé de mieux pour le caractère de Jane. Mais, mon cher monsieur Brockelhurst, je demande de l’uniformité sur tous points.

— Certes, madame, c’est un des premiers devoirs chrétiens, et à Lowood nous l’avons observée dans tout : une nourriture et des vêtements simples, un bien-être que nous avons eu soin de ne pas exagérer, des habitudes dures et laborieuses : telle est la règle de cette maison.

— Très bien, monsieur : alors je puis compter que cette enfant sera reçue à Lowood, qu’elle y sera élevée comme il convient à sa position, et en vue de ses devoirs à venir.

— Vous le pouvez, madame ; elle sera placée dans cet asile de