— Certainement, répondit son frère, ce serait dommage de perdre ce plaisir.
— Mes chers enfants, y pensez-vous ? s’écria lady Lynn.
— Je ne supporterai pas une semblable chose, ajouta lady Ingram.
— En vérité, ma mère ? et pourtant il le faudra, s’écria la voix impérieuse de Blanche, en se tournant sur le tabouret du piano, où jusque-là elle était demeurée silencieuse à examiner de la musique ; je suis curieuse d’entendre ma bonne aventure. Sam, faites entrer cette femme.
— Ma Blanche chérie ! songez…
— Je sais tout ce que vous pourrez me dire, mais je veux qu’on m’obéisse. Allons, dépêchez-vous, Sam.
— Oui, oui, oui, s’écrièrent tous les jeunes gens et toutes les jeunes filles ; faites-la entrer, cela nous amusera. »
Le domestique hésita encore un instant.
« Elle a l’air d’une femme si grossière ! dit-il.
— Allez, » s’écria Mlle Ingram ; et Sam partit.
Aussitôt l’animation se répandit dans le salon ; un feu roulant de railleries et de plaisanteries avait déjà commencé lorsque Sam rentra.
« Elle ne veut pas venir maintenant, dit-il ; elle prétend que ce n’est pas sa mission de paraître ainsi devant un vil troupeau (ce sont ses expressions). Il faut, dit-elle, que je la mène dans une chambre où ceux qui voudront la consulter viendront l’un après l’autre.
— Vous voyez, ma royale Blanche, elle devient de plus en plus exigeante ; soyez raisonnable, mon bel ange.
— Menez-la dans la bibliothèque, s’écria impérieusement le bel ange. Ce n’est pas ma mission non plus de l’entendre devant un vil troupeau. Je veux l’avoir pour moi seule. Y a-t-il du feu dans la bibliothèque ?
— Oui, madame ; mais elle a l’air si intraitable !
— Cessez votre bavardage, lourdaud, et obéissez-moi. »
Sam sortit, et le mystère, l’animation, l’attente, s’emparèrent de nouveau des esprits.
« Elle est prête maintenant, dit le domestique en entrant, et désire savoir quelle est la première personne qu’elle va voir.
— Je crois bien que je ferais mieux de jeter un coup d’œil sur cette sorcière avant de laisser les dames s’entretenir avec elle, s’écria le colonel Dent ; dites-lui, Sam, que c’est un monsieur qui va venir. »