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Je partis, et je rapportai la chandelle qui était restée dans le corridor ; il me la prit des mains et examina le lit noirci par la flamme, ainsi que les draps et le tapis couvert d’eau.

« Qui a fait cela ? » demanda-t-il.

Je lui racontai brièvement ce que je savais ; je lui parlai du rire étrange, des pas que j’avais entendus se diriger vers le troisième, de la fumée et de l’odeur qui m’avaient conduite à sa chambre, de l’état dans lequel je l’avais trouvé ; enfin, je lui dis que pour éteindre le feu j’avais jeté sur lui toute l’eau que j’avais pu trouver.

Il m’écouta sérieusement ; sa figure exprimait plus de tristesse que d’étonnement ; il resta quelque temps sans parler.

« Voulez-vous que j’avertisse Mme Fairfax ? demandai-je.

— Mme Fairfax ? Non, pourquoi diable l’appeler ? Que ferait-elle ? Laissez-la dormir tranquille.

— Alors je vais aller éveiller Leah, John et sa femme.

— Non, restez ici ; vous avez un châle. Si vous n’avez pas assez chaud, enveloppez-vous dans mon manteau et asseyez-vous sur ce fauteuil ; maintenant mettez vos pieds sur ce tabouret, afin de ne pas les mouiller ; je vais prendre la chandelle et vous laisser quelques instants. Restez ici jusqu’à mon retour ; soyez aussi tranquille qu’une souris ; il faut que j’aille visiter le troisième ; mais surtout ne bougez pas et n’appelez personne. »

Il partit, et je suivis quelque temps la lumière ; il traversa le corridor, ouvrit la porte de l’escalier aussi doucement que possible, la referma, et tout rentra dans l’obscurité. J’écoutai, mais je n’entendis rien. Il y avait déjà longtemps qu’il était parti ; j’étais fatiguée et j’avais froid, malgré le manteau qui me couvrait ; je ne voyais pas la nécessité de rester, puisqu’il était inutile d’aller réveiller personne. J’allais risquer d’encourir le mécontentement de M. Rochester en désobéissant à ses ordres, lorsque j’aperçus la lumière et que j’entendis ses pas le long du corridor. « J’espère que c’est lui, » pensai-je.

Il entra pâle et sombre.

« J’ai tout découvert, dit-il, en posant sa lumière sur la table de toilette ; c’était bien ce que je pensais.

— Comment, monsieur ? »

Il ne répondit pas ; mais, croisant les bras, il regarda quelque temps à terre ; enfin, au bout de plusieurs minutes, il me dit d’un ton étrange :

« Avez-vous vu quelque chose au moment où vous avez ouvert la porte de votre chambre ?

— Non, monsieur, rien que le chandelier.