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cœur à ce que vous me demandez, parce que vous cherchez à savoir si le serviteur est heureux dans sa servitude.

— Et vous consentez à me dispenser des formes conventionnelles, sans prendre cette omission pour une impertinence ?

— Je suis sûre, monsieur, de ne jamais confondre le manque de forme avec l’impertinence : j’aime la première de ces choses ; quant à l’autre, aucune créature libre ne peut la supporter, même pour de l’argent.

— Erreur ! La plupart des créatures libres acceptent tout pour de l’argent. Je vous conseille donc de ne pas proclamer des généralités dont vous êtes incapable de juger l’exactitude. Néanmoins, je vous sais gré de votre réponse, tant pour elle-même que pour la manière dont vous l’avez faite : car vous avez parlé avec sincérité, ce qui n’est pas commun ; l’affectation, la froideur, ou une manière stupide de comprendre votre pensée, voilà ce qui, en général, répond à votre franchise. Sur cent sous-maîtresses, pas une peut-être ne m’eût répondu comme vous. Mais ne croyez pas que je veuille vous flatter. Si vous avez été faite dans un moule différent des autres, vous n’en êtes nullement cause ; c’est l’œuvre de la nature. Et, d’ailleurs, je ne puis pas conclure encore ; peut-être n’êtes-vous pas meilleure que les autres ; peut-être avez-vous des défauts intolérables pour balancer vos quelques bonnes qualités.

— Peut-être en avez-vous vous-même, » pensai-je. Et à ce moment mon regard rencontra le sien ; il lut ma pensée, et y répondit comme si je l’avais exprimée par des paroles.

« Oui, oui, vous avez raison, dit-il ; j’ai bon nombre de défauts moi-même, je le sais, et je ne cherche pas à m’excuser. Je n’ai pas le droit d’être trop sévère pour les autres ; mes actes et la nature de ma vie passée devraient arrêter le sourire sur mes lèvres ; je devrais ne pas critiquer trop sévèrement mon voisin, et reporter mes regards sur mon propre cœur. J’entrai, ou plutôt, car les pécheurs aiment à jeter le blâme sur la fortune ou les circonstances, je fus précipité à l’âge de vingt ans dans une route dangereuse, et depuis je n’ai jamais repris le droit chemin ; mais j’aurais pu être différent de ce que je suis ; j’aurais pu être aussi bon que vous, plus expérimenté, peut-être presque aussi pur ; j’envie la paix de votre esprit, la pureté de votre conscience et votre passé sans tache. Enfant, un passé sans tache doit être un trésor exquis, une source inépuisable de bonheur, n’est-ce pas ?

— Quel était votre passé à dix-huit ans, monsieur ?

— Il était beau et limpide ; aucune eau impure ne l’avait