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tion se fasse en silence. Tiens-toi tranquille, enfant, comprends-tu ? »

Adèle semblait ne point avoir besoin de l’avertissement ; elle se retira sur un sofa avec son trésor, et se mit à défaire les cordes qui entouraient la boîte. Après avoir soulevé le couvercle et retiré un certain papier d’argent, elle s’écria :

« Oh ! ciel, que c’est beau ! et elle demeura absorbée dans sa contemplation.

— Mademoiselle Eyre est-elle ici ? demanda le maître en se levant à demi et en regardant de mon côté. Ah ! bon ; venez et asseyez-vous ici, ajouta-t-il en approchant une chaise de la sienne ; je n’aime pas le babillage des enfants. Le murmure de leurs lèvres ne peut rien rappeler d’agréable à un vieux célibataire comme moi ; ce serait une chose intolérable pour moi que de passer toute une soirée en tête-à-tête avec un marmot. N’éloignez pas votre chaise, mademoiselle Eyre ; asseyez-vous juste où je l’ai placée, comme cela, s’il vous plaît. Je ne veux point de ces politesses ; moi je les oublie sans cesse, je ne les aime pas plus que les vieilles dames dont l’intelligence est trop bornée. Pourtant il faut que je fasse venir la mienne ; elle est une Fairfax, ou du moins a épousé un Fairfax ; je ne dois pas la négliger. On dit que le sang est plus épais que l’eau. »

Il sonna et demanda Mme Fairfax, qui arriva bientôt avec son tricot.

« Bonsoir, madame, dit-il. Je vous demanderai de me rendre un service. J’ai défendu à Adèle de me parler du cadeau que je lui ai fait ; je vois qu’elle en a bien envie : ayez la bonté de lui servir d’interlocutrice ; vous n’aurez jamais accompli un acte de bienveillance plus réel. »

En effet, à peine Adèle eut-elle aperçu Mme Fairfax, qu’elle l’appela, et jeta sur elle la porcelaine, l’ivoire et tout ce que contenait sa boîte, en manifestant son enthousiasme par des phrases entrecoupées, car elle ne possédait l’anglais que très imparfaitement.

« Maintenant, dit M. Rochester, j’ai accompli mes devoirs de maître de maison ; j’ai mis mes invités à même de s’amuser réciproquement, et je puis songer à mon propre plaisir. Mademoiselle Eyre, avancez un peu votre chaise ; vous êtes trop en arrière, je ne puis pas vous voir sans me déranger, ce que je n’ai nullement l’intention de faire. »

Je fis ce qu’il me disait, bien que j’eusse infiniment préféré rester un peu en arrière ; mais M. Rochester avait une manière si