Je partis et je suivis ses indications.
« Assez ! me cria-t-il au bout de quelques minutes ; je vois que vous jouez un peu, comme une pensionnaire anglaise, peut-être un peu mieux que quelques-unes, mais pas bien. »
Je fermai le piano et je revins. M. Rochester continua :
« Ce matin, Adèle m’a montré quelques esquisses qu’elle dit être de vous ; je ne sais si elles sont entièrement faites par vous : un maître vous a probablement aidée ?
— Non, en vérité ! m’écriai-je.
— Oh ! ceci pique votre orgueil ; eh bien, allez chercher votre portefeuille, si vous pouvez affirmer que tout ce qu’il contient est de vous ; mais n’assurez rien sans être certaine, car je m’y connais.
— Alors, monsieur, je me tairai et vous jugerez vous-même. »
J’apportai mon portefeuille.
« Approchez la table, » dit-il.
Je la roulai jusqu’à lui. Adèle et Mme Fairfax s’avancèrent pour voir les dessins.
« Ne vous pressez pas ainsi, dit M. Rochester ; vous prendrez les dessins à mesure que j’aurai fini de les regarder ; mais ne placez pas vos figures si près de la mienne. »
Il examina les peintures et les esquisses ; il en mit trois de côté ; après avoir regardé les autres, il les jeta loin de lui.
« Emportez-les sur l’autre table, madame Fairfax, dit-il, et regardez-les avec Adèle. Quant à vous, ajouta-t-il en me regardant, asseyez-vous et répondez à mes questions. Je vois bien que ces trois peintures ont été faites par la même main ; cette main est-elle la vôtre ?
— Oui.
— Quand avez-vous trouvé le temps de les faire ? car elles ont dû demander beaucoup de temps et un peu de réflexion.
— Je les ai faites dans les deux dernières vacances que j’ai passées à Lowood, quand je n’avais pas autre chose à faire.
— Où avez-vous trouvé les originaux de ces copies ?
— Dans ma tête.
— Dans cette tête que je vois sur vos épaules ?
— Oui, monsieur.
— A-t-elle encore d’autres sujets du même genre ?
— J’espère que oui, et j’espère même qu’ils seraient meilleurs. »
Il étendit les peintures devant lui et les regarda de nouveau.
Pendant que M Rochester est ainsi occupé, lecteurs, j’ai le