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ment pour ce qui regarde sa partie matérielle, mais encore pour ce qui concerne l’invention proprement dite. Un architecte, plus qu’aucun autre artiste, a besoin de s’instruire par la lecture, et par conséquent doit pouvoir, s’il en trouve l’occasion, contribuer aux progrès de son art par de nouveaux écrits, La culture des lettres est donc pour lui d’un très-grand avantage.

Deux observations historiques confirment ce que nous avançons ici. On remarquera d’abord que la plupart des personnes qui ont écrit sur la peinture ou sur la sculpture, sont plutôt des amateurs que des artistes de profession, et que, dans ce dernier cas, ce ne sont point en général les plus habiles. On observera, au contraire, que non-seulement presque tous les ouvrages sur l’architecture sont dus aux plus célèbres architectes, tels que Vignole, Palladio, Philibert de Lormes, Claude Perrault, François Blondel, etc. etc. mais encore que beaucoup d’architectes se sont distingués dans les lettres. On sait que Alberti de Florence, que Bramante, que François Blondel, que Germain Boffrand, que Michel Ange, etc. ont écrit, soit en prose, soit même en vers, différents ouvrages sur des sujets de pure littérature.

La culture des lettres et la connoissance des langues anciennes, en étendant le champ qui alimente la mémoire, multiplient par cela même les sources où doit puiser l’imagination. Non-seulement l’instruction enrichit cette brillante faculté, mais elle la dirige en même temps dans l’emploi de ses richesses ; elle la modère sans la refroidir, et s’oppose à ses écarts sans l’arrêter. L’imagination d’un homme ignorant n’a aucune limite ; on ne peut pas plus la suivre qu’il ne peut la diriger : c’est un désordre réel, et, comme tout désordre, elle déplaît et fatigue.

La réunion du goût et de l’instruction fait éviter toutes ces compositions gigantesques, qui sont le fruit d’une imagination pour ainsi dire sauvage, et non encore policée par la fréquentation des œuvres des autres hommes. C’est parce que cette fréquentation n’a pu encore avoir été assez habituelle et assez intime, que beaucoup de jeunes gens destinés à produire dans la suite de beaux et de sages ouvrages, commencent par des compositions exaltées, fruits d’une imagination non encore réglée par une instruction profonde. C’est peut-être à cette même cause que sont dues ces images bizarres ou gigantesques, ces conceptions quelquefois monstrueuses que présentent les ouvrages de la plupart des hommes de génie qui se sont fait remarquer les premiers dans chaque genre de littérature ou dans les différents arts.

Une imagination convenablement réglée et un goût épuré par l’in-