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Antoine, où les ouvriers se joignirent en assez grand nombre au rassemblement, sur le château de Vincennes, où les ministres étaient enfermés jusqu’à leur jugement, sous la garde du général Daumesnil.

Il était environ dix heures du soir, lorsque huit à neuf cents individus se présentèrent à la première porte, armés, quelques-uns de fusils et de sabres, la plupart de bâtons ferrés, ayant à leur tête un homme à cheval et le même drapeau qu’au Palais-Royal. Le général se fit ouvrir la porte et se présenta seul au devant de la colonne ; il demanda aux jeunes gens qui paraissaient la diriger ce qu’ils voulaient. Nous voulons la mort des ministres, répondirent-ils. Mais le brave qui avait défendu Vincennes contre cent mille étrangers n’était pas homme à céder devant une bande de factieux. Il leur répondit qu’il ferait sauter le donjon plutôt que de leur livrer les ministres confiés à sa garde et dont il répondait à l’État. Cette réponse appuyée de quelques démonstrations vigoureuses imposa aux factieux qui se retirèrent en criant « Vive le général à la jambe de bois ! » avec un tambour qu’il leur avait donné pour les reconduire à la barrière du Trône, et qu’ils forcèrent ensuite à les suivre.