Page:Broglie - Souvenirs, 1830-1832.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec raison, que la position de membre du cabinet n’était guère compatible avec celle de président de la Chambre élective, et s’en étant démis, M. Laffitte avait trouvé bon, tout membre du cabinet qu’il était aussi, de le remplacer. Rien d’étonnant donc, lorsque le grand succès que M. Perier venait d’obtenir semblait le désigner dans tous les esprits pour devenir chef du cabinet et premier ministre, que la pensée de l’y devancer se soit présentée à M. Laffitte, et qu’il ait commencé à la mettre en avant par les amis dont il disposait et les brouillons, les braillards dont disposaient ses amis.

Dès que je vis percer ce dessein, je vis où il tendait et j’en appréciai les conséquences. Notre cabinet, je l’ai dit, était divisé d’un côté, une majorité numérique modérée, sept contre quatre de l’autre, une minorité populaire, et puisant sa force dans l’effervescence du moment. À ces conditions, la partie était à peu près égale, la résistance faisait équilibre au mouvement et, tout précaire qu’il fût, le statu quo pouvait durer encore quelque temps ; mais, si la majorité numérique avait la faiblesse de se donner pour chef ostensible, et dès lors pour porte-drapeau, le personnage le plus en évidence de la minorité, par cela seul elle abdi-