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de l’Europe dans les affaires d’Orient, le centre, le foyer de la politique européenne.

Mais, pour tirer parti de ces avantages, il fallait du coup d’œil, de la mesure et de l’aplomb ; il y fallait un homme de tête et de poids, un homme reconnu pour tel.

Un bon révolutionnaire de 1830, fût-il de ce côté-ci de la Manche orateur en vogue, banquier de haute volée, ou vétéran de la grande armée (c’étaient à peu près là nos illustres) aurait, selon toute apparence, fait sonner bien haut ses lieux communs de tribune, sa gloriole de garde nationale, ou ses rancunes de Waterloo. S’il s’était par trop émancipé en démonstrations populaires, il aurait perdu bientôt tout crédit auprès d’un ministère tory encore sur pied, sans en acquérir d’avance sur un prochain ministère whig, lord Grey n’étant pas plus que lord Wellington homme à s’en laisser remontrer par un parvenu nouveau venu ; et si, ce qui ne pouvait guère manquer d’arriver, ce patriote de fraîche date avait fait mine de se mêler un peu des affaires d’autrui, d’approuver ou de blâmer, à Londres, ceci ou cela, de prendre parti pour ou contre celui-là ou celui-ci, le tolle aurait été universel et le poste serait devenu intenable.