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Mais le nœud de la reconnaissance n’en restait pas moins à Saint-Pétersbourg, puisque, entre les trois alliés, rien ne se pouvait arrêter que de concert, et, de quelque désapprobation que l’empereur Nicolas eût frappé, avant l’événement, l’entreprise de Charles X, l’expulsion de ce prince ne l’atteignait pas moins sur un point sensible. Charles X était son bon ami, son féal ; il y perdait précisément ce que l’Angleterre y gagnait, et, de plus, il se sentait blessé dans son amour-propre : ce rôle d’Agamemnon, de roi des rois, de chevalier des grands principes qu’il affectait en Europe, depuis nombre d’années, se trouvait fort ébréché par l’admission d’un intrus dans le sénat des têtes couronnées ; aussi avait-il d’avance détourné, autant que possible, cette coupe amère de ses lèvres, et annoncé, avec force rodomontades, qu’il ne reconnaîtrait le duc d’Orléans qu’en qualité de lieutenant général nommé par Charles X, et que rien ne l’obligerait à transiger avec son honneur.

La lettre qui lui devait être adressée exigeait donc, de la part du roi, un mélange de dignité, de réserve et de ménagements difficile à concilier ; elle fut rédigée par M. Molé avec beaucoup d’art et de mesure ; le cabinet l’adopta intégralement ;