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sorte un experimentum crucis, pour le principe sur lequel toute révolution se fonde.

On tient, en effet, sur l’autorité des moralistes et des publicistes, voire même sous l’approbation des plus grands saints du calendrier, qu’il peut se rencontrer des circonstances où tout peuple opprimé rentre en droit de disposer de lui-même, où la légitime défense appartient à la société en nom collectif, comme à l’individu en nom personnel, sous cette triple condition toutefois :

Que l’oppression ait été réelle et criante ;

Qu’il ne reste aucun moyen régulier de résistance ;

Qu’en s’exposant, par l’emploi de la force, à tomber en anarchie, on ait une chance raisonnable d’y échapper.

Il est, sans doute, des penseurs, mais en petit nombre, qui contestent ce droit même à ces conditions ; le plus grand nombre l’admet, en revanche, mais plutôt spéculativement, en doutant, plus ou moins, de la possibilité d’en remplir pratiquement les conditions.

Notre révolution de Juillet leur donnait tort quant aux deux premiers. L’agression avait été manifeste, persistante et gratuite. Il y allait pour