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la cause de la dislocation du ministère. J’avais rendu inutile, voire même impossible toute tentative d’y porter remède. Le roi avait raison, mais je n’avais pas tort. C’est ce dont il convint lui-même. « Il vous faut nécessairement, lui dis-je, en passer plus tôt ou plus tard, mais pour un temps plus ou moins court, par le parti du mouvement. Le plus tôt est le mieux, car vous avez encore par vous-même un fonds de popularité de bon aloi pour résister à la fausse popularité du moment, et une majorité saine dans la Chambre des députés, qui contiendra le mauvais parti. Si vous le laissez arriver peu à peu à la sourdine, sous l’apparence d’une approbation officielle, vous lui préparez un long avenir ; endormant la résistance, vous ne pourrez lui faire appel qu’après de longues souffrances et quelques désastres ; si vous compromettez vos bons serviteurs en fausse voie, ils perdront tout crédit auprès des gens sensés, et, le moment venu, n’inspireront à personne ni courage ni confiance. Dans l’état présent, je ne donne pas deux mois à M. Laffitte et à M. Dupont (de l’Eure) pour gouverner comme ils l’entendent et pour donner eux-mêmes leur langue aux chiens. Le roi aura alors sous la main des hommes